Phalène

Phalène

20' | 2022 | France

    • Esaaix | 26 oct 2023 | 18h
    • Sarah-Anaïs Desbenoit

Dans Phalène, le territoire et l’époque sont incertains. Tout au plus peut-on évoquer un caractère prémoderne puisque la nature semble être encore la principale interlocutrice. Les deux héroïnes s’affairent ici à des tâches quotidiennes dont la régularité décrit une existence réglée par les rites les plus anodins : dormir, manger, laver, soit des activités qui inscrivent le récit dans la sphère de la domesticité. Les actions se substituant aux mots, l’absence de dialogue a pour effet d’accroître la précision des gestes. Pareille chorégraphie ménagère est d’autant plus visible que les deux personnages sont comme le double de l’autre. Leur ressemblance physique se déploie d’ailleurs dans leur étrange mouvement en miroir. Ainsi, la vie journalière est empreinte d’un mystère que le film ne va cesser d’intensifier, à travers le soudain décalage entre ces deux corps synchronisés. Il est ainsi question de fièvre et d’eau, de grotte et de peau, de brume et de sortilège, l’ensemble de ces motifs glissant comme dans un rêve, à l’image d’une embarcation brouillant la surface d’un lac, au-devant d’un orgue de pierres, sans que les deux protagonistes n’aient à donner un seul coup de pagaie. Entre le devenir statue des deux sœurs jumelles et leur inscription dans un monde liquide, Sarah-Anaïs Desbenoit laisse poindre une dialectique quelque peu magique. La dimension fantomatique qui traverse son film est l’expression d’un dialogue entre les éléments, comme si ces derniers ne pouvaient surgir que sous la forme d’un trouble, face à l’ordonnancement de ces vies trop bien réglées. Le corps et l’esprit font alors césure, le réel se fissure, et la psyché s’ouvre à une humeur vagabonde. Les plans-tableaux de Sarah-Anaïs Desbenoit sont tentés par le mythe, et, avec lui, par un récit presque premier qui chercherait à inventer des figures – finalement jamais égales à elles-mêmes –. (Texte écrit par Fabien Danesi)

In Phalène, the territory and the time are uncertain. At most one can evoke a premodern character since nature still seems to be the main interlocutor. The two heroines here busy themselves with daily tasks whose regularity describes an existence regulated by the most innocuous rites: sleeping, eating, washing, i.e. activities which place the story in the sphere of domesticity. Actions replacing words, the absence of dialogue has the effect of increasing the precision of gestures. Such household choreography is all the more visible as the two characters are like the double of the other. Their physical resemblance unfolds in their strange mirror movement. Thus, daily life is imbued with a mystery that the film will continue to intensify, through the sudden gap between these two synchronized bodies. It is thus a question of fever and water, of cave and skin, of mist and spell, all of these motifs sliding as in a dream, like a boat blurring the surface of a lake. , in front of a stone organ, without the two protagonists having to give a single stroke of the paddle. Between the becoming of a statue of the two twin sisters and their inscription in a liquid world, Sarah-Anaïs Desbenoit allows a somewhat magical dialectic to emerge. The ghostly dimension that runs through his film is the expression of a dialogue between the elements, as if the latter could only emerge in the form of a disorder, faced with the ordering of these too well-regulated lives. The body and the spirit then make a caesura, the real cracks, and the psyche opens up to a wandering mood. Sarah-Anaïs Desbenoit’s table-plans are tempted by myth, and, with it, by an almost primary narrative which seeks to invent figures – ultimately never equal to themselves –. (Text written by Fabien Danesi)

Sarah-Anaïs Desbenoit - Phalène | Exposition Panorama 24 L'autre coté ...

Sarah-Anaïs DesbenoitNée à Paris, Sarah-Anaïs Desbenoit sort diplômée de l’École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy en 2020, avant d’intégrer Le Fresnoy – Studio national. Alimenté par des recherches au long cours — développées notamment lors d’une résidence à l’oasis de Thighmert dans le désert marocain et d’un stage à la villa Kujoyama au Japon, son travail porte sur les mécanismes d’apparition et de disparition des images et leurs influences sur la mémoire et la cognition. Par la réalisation de miniatures, mais également par l’usage de la vidéo, de la projection et du son, sa pratique se développe autour de la question de l’illusion et du désordre sublimé. Invitant à la méditation et au ralentissement, ses instal- lations visuelles et sonores sont conçues comme des lieux liminaux où se superposent plusieurs strates de réalité. En 2022, elle réalise Phalène, un court métrage tourné en 16 mm, qui nous plonge dans un conte composé d’une succession de tableaux vivants dans lequel deux sœurs jumelles vont vivre une expérience mystique. Le film a été sélectionné en compétition (Ammodo Tiger Short Competion) à L’IFFR (Rotterdam), en première mondiale. Parallèlement à sa pratique artistique, Sarah-Anaïs est monteuse-étalonneuse, cheffe opératrice et assistante réalisatrice. Elle réalise également des clips vidéo pour des musiciens émergents et assiste différents artistes dans la production audiovisuelle pour des musées et pour des enseignes de haute couture.

Born in Paris, Sarah-Anaïs Desbenoit graduated from the École nationale supérieure d’arts de Paris-Cergy in 2020, before joining Le Fresnoy – Studio national. Fueled by long-term research – developed in particular during a residency at the Thighmert oasis in the Moroccan desert and an internship at the Kujoyama villa in Japan, his work focuses on the mechanisms of appearance and disappearance images and their influences on memory and cognition. Through the creation of miniatures, but also through the use of video, projection and sound, his practice develops around the question of illusion and sublimated disorder. Inviting to meditation and slowing down, his visual and sound installations are designed as liminal places where several layers of reality are superimposed. In 2022, she directed Phalène, a short film shot in 16 mm, which immerses us in a tale composed of a succession of tableaux vivants in which two twin sisters will live a mystical experience. The film was selected in competition (Ammodo Tiger Short Competition) at IFFR (Rotterdam), as a world premiere. Alongside her artistic practice, Sarah-Anaïs is an editor-grader, cinematographer and assistant director. She also produces video clips for emerging musicians and assists various artists in audiovisual production for museums and haute couture brands.

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