Tu me voulais vierge, je te voulais moins con !

Méfiez-vous des gens qui rêvent car si vous êtes pris dans le rêve de l’autre, vous êtes foutus !

1) Nous sommes prisonniers de l’image que nous nous faisons de l’autre (l’étranger, le pauvre, l’autre sexe, l’autre sexualité, le révolutionnaire, le poète…).
2) Nous sommes libres chaque fois que nous refusons de nous laisser enfermer dans le rêve de l’autre (fasciste, raciste, sexiste, moralisateur, religieux…).
3) Il est temps que migrent les images et que nous migrions nous-mêmes pour fuir les stéréotypes qui font de nous des monstres.

Ces 28es Instants Vidéo ont placé sur leur affiche une Vierge (photographiée dans une église sarde) à l’attitude paradoxale : l’épée dans le cœur signifie qu’elle accepte de souffrir pour toutes les femmes, l’ouverture de son corps qu’elle s’offre au plaisir. Nous lui faisons dire (car nous n’entendons pas de voix de l’au-delà) qu’elle ne veut plus être l’objet d’un fantasme. Ni vierge-épouse-mère vertueuse. Ni garce-putain-salope. Elle veut être libre. Et la libération des femmes de l’emprise des hommes, de la marchandise et des religions, est la condition non négociable de la liberté de tous. Les « cons » veulent notre bonheur malgré nous.

Les postures du festival Les Instants Vidéo sont, nous le souhaitons, discutables dans tous les sens du terme. Penser c’est lutter sur le terrain des contradictions intimes et sociales, et en cela nous collons à la mission d’un service culturel pour les publics considérés comme des intelligences sensibles et agissantes. Par où commencer ? Sur tous les fronts à la fois : l’ouverture des frontières pour tous les migrants, la liberté sexuelle et d’aimer qui bon nous semble, l’action poétique comme rempart aux cultures numériques et consuméristes hégémoniques, la beauté du geste rebelle contre la laideur des dogmes religieux et économistes, la division (résistance, mon beau souci) contre l’union consensuelle des champs/contrechamps façon « Je suis Charlie », la tension contre l’harmonie, le droit international contre la délinquance des Etats colonisateurs, la créolisation des corps et des langages contre la pureté des races et la débilité des identités nationales, l’hospitalité radicale contre la politesse des vernissages… En étant discutables, nous donnons une chance à la parole. En étant décevants, nous donnons une chance à l’inattendu.

Imaginez un homme s’implantant et cultivant des verrues sur son visage,vous aurez alors le portrait réel de ce qu’est la culture quand elle sert ses maîtres : l’argent et/ou l’institution. Pour la première fois, le monde industriel et financier s’associe aux Etats (et ses institutions) pour imposer à l’humanité une forme limitée et unique de structuration des esprits, des corps et des perceptions physiques : la culture numérique et consumériste. Que dans la tête des gestionnaires des consciences soit inclus l’art, sous le soleil rien de nouveau. Ce qui est désolant, c’est que de nombreux artistes et organisateurs de manifestations artistiques acceptent cette assimilation sans broncher. Depuis quand une œuvre d’art est là pour vanter les bienfaits de l’idéologie dominante ? Que cela se produise sous l’effet d’une contrainte sous un régime dictatorial, passe encore, mais avec le libre consentement des intéressés, c’est à proprement parler indécent. Ce qui caractérise une œuvre d’art, c’est qu’elle soit contre son temps. Là où s’impose une atomisation des individus branchés à leurs consoles ou autres gadgets numériques, l’artiste doit imposer l’essaim, le grouillement d’individualités souveraines qui s’unissent comme un chœur. Il faut faire tout un monde de nos solitudes. Prenons un exemple : le citoyen atomisé bien doté d’une sensibilité comme tout un chacun acceptera que les frontières de l’Europe restent closent malgré les milliers de migrants qui meurent chaque année à nos portes. Il a peur pour son petit confort. Mais il clamera partout que les réseaux numériques réalisent la belle utopie des communications transfrontalières.

Vous me direz que voici une vision qui ne prend pas en compte les bienfaits des réseaux sociaux, le rôle qu’ils ont joué dans les mobilisations populaires des révolutions arabes. Certes ! Mais la lutte armée victorieuse menée par le peuple vietnamien contre les USA ou celle des réseaux de Résistance contre l’occupant Nazi, n’impliquent pas que nous fassions les louanges de la culture militaire que je sache. De la même manière, les artistes qui utilisent le numérique ne sont pas pour autant condamnés à se faire les agents de commerce des entreprises du numérique.

Voici,
c’est dit,
notre amour et notre entendement,
sous la lune gitane,
parmi les monstres,
où nous percevons des ombres
parce que nous sommes encore des noctambules.
Il en sera encore ainsi tant que nous résisterons
à la mise à jour
des logiciels
qui
déjà
nous tiennent lieu
d’intelligence
artificielle.
L’art vidéo n’est pas la call girl de la culture numérique.

Nous vous souhaitons d’être follement aimé(e)s.
Marc Mercier

afficheIV2015
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